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olancelin

Je suis grand(e)








« Être c’est dépendre »












Nous voudrions toutes et tous pouvoir compter sur nous-mêmes et que sur nous-mêmes. Rouler à pleine allure sur la Harley Davidson de Serge Gainsbourg, libre comme l’air et n’avoir besoin de personne.


Nous prônons à qui veut l’entendre l’autonomie et le sens des responsabilités. Le monde politique comme le monde économique sont pourtant des parfaits contre-exemples de l’interdépendance entre les peuples et les économies mondiales. Notre vie l’est aussi, chaque fois que nos latitudes d’actions sont entravées par celles de l’autre. Nous sommes donc à la fois dépendants les uns des autres et illusoirement libres de nos choix. Pour reprendre un adage de conquête de nos droits et libertés individuelles « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ».


Adage qui porte en son seing une vision légitime d’un vivre ensemble essentiel et non négociable, mais aussi une vision contrainte de l’altérité. Une vision contrainte, par ce qu’elle sous-entend en termes de renoncement. Lorsque deux équipes discutent ensemble, lorsque la première voudrait une solution A, au prime abord contraire aux objectifs de la seconde, dirions-nous que les équipes doivent renoncer à leurs projets sous prétexte de ne pas porter atteinte aux intérêts de leurs collègues ? Certainement pas. Lorsqu’un manager demande à un collaborateur d’agir selon sa grille personnelle de principes humains et relationnels, dirions-nous qu’en cas d’incompatibilité de valeurs, il doive renoncer à toute communication avec son collaborateur ? Certainement pas. Lorsqu’un client place son fournisseur dans une position ambigüe, paradoxale, dirions-nous que le fournisseur doive renoncer à travailler avec ce client ? Certainement pas. Dans ces trois situations, l’attitude constructive consiste à écouter le point de vue de l’autre et coconstruire entre soi et l’autre un chemin possible, un chemin différent. Nous ne sommes pas autonomes, car nous sommes profondément interdépendants. Nos idées ne peuvent passer sans l’acceptation par l’autre de leurs contenus ou de leurs modalités.


Le philosophe Alain disait « Être c’est dépendre ». Une éthique que nous avons du mal à nous approprier, tant elle bouscule notre matrice de l’Homme fort et parfait que nous voudrions être. L’illusion d’être en maitrise de toute situation, de pouvoir faire de son mieux quel que soit les conditions, nous pousse à tordre le cou à nos insuffisances, à nos immaturités ou nos croyances limitantes. L’autre n’a ni tort ni raison, il fait apparaitre une autre réalité. Le champ des possibles ne dépend pas de nous, il dépend de notre capacité à conjuguer la force de nos convictions, avec le réel.


En 1945, le philosophe et scientifique américano-polonais, Alfred Korzybski, publie ses travaux de modélisation selon lesquels chaque personne possède sa propre vision du monde, attestant ce faisant qu’elle est donc différente d’un individu à l’autre. Pour être certain de fixer cette observation durablement dans nos esprits chagrins, ce cher Alfred l’a matérialisée dans une formidable synthèse sémantique : « La carte n’est pas le territoire ». Autrement dit, mes projets personnels ne peuvent se réaliser que si je tiens compte des écarts entre le territoire, le monde selon moi ou selon mon imaginaire, et la carte, le point de vue de l’autre, son intelligence, sa part du réel qui échappe à mon regard.


Dans les années 90, Adrien Payette et Claude Champagne lancent un nouvel outil qu’ils appellent le codéveloppement. Leur crédo : ensemble on pense mieux ! Ensemble on libère nos égos de leur toute puissance. Ensemble on se déleste de nos solitudes enfermantes. Ensemble on apprend à conjuguer nos parts d’ombre et nos parts de lumière. Ensemble on repousse différemment les « cailloux sur notre route ». Ensemble on apprend l’interdépendance. Je suis grand(e) voudrait dire : je suis faible, si j’ai « encore » un problème tel que le mien. Je suis grand(e) voudrait dire que j’ai les ressources pour régler seul(e) mon problème. Je suis grand(e) voudrait dire que je détiens la connaissance et que, comme dans la chanson, je n’ai vraiment « besoin de personne surmon terrible engin ».


Les séances de codéveloppement avec nos clients sont un émerveillement permanent : « Au démarrage de la séance, je ne pensais pas que vous pouviez m’aider. Je suis bluffé », « Merci aux hommes de l’assistance de m’avoir donné leur vision du monde, différente de celles des femmes. J’ai appris grâce à vous », « Mon problème n’est peut-être pas résolu ce soir après notre séance de travail, mais vous en avoir parlé m’a totalement libéré de ce poids que j’avais. Je vais déjà mieux », « Au début de la séance, j’avais du ressentiment vis-à-vis de mes collègues de l’équipe d’à côté. Ce soir je les vois avec plus de compassion ». Autant de verbatim qui témoignent de notre interdépendance les uns des autres.


La dépendance, c’est n’être pas capable de penser ou d’agir sans le regard et l’approbation de l’autre. L’interdépendance, c’est la compréhension que la vérité n’est pas en Nous mais entre Nous. Cet « entre Nous » qui fait la part belle à l’humilité. L’humilité qui consiste à dire « je ne sais pas » et faire de l’altérité une force pour se développer individuellement et collectivement. Cet « entre Nous » qui nous donne la sagesse de savoir écouter, de s’écarter de nos croyances limitantes, tout en acceptant que la Vérité avec un grand V n’existe pas. Seule compte l’expérimentation, l’expérimentation encore et encore, toujours plus d’expérimentation, comme le font si bien les enfants.


« Un enfant, c’est le dernier grand poète d’un monde qui s’entête à vouloir devenir grand » Jacques Brel.


Au plaisir de vous retrouver en cette saison 2022-2023 pour de nouvelles séances de codéveloppement ou de coaching d’équipe.



>> BIBLIOGRAPHIE

"L'ego est l’ennemi" de Ryan Holiday



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