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Il y a toujours plus grave




« Cette phrase m’habite, elle me donne de la force. »








Il y a toujours plus grave. Qui n'a pas déjà entendu cette phrase ? Qui n'a pas pensé quelle ânerie, quelle déclaration toute faite et vide de sens ?


Samedi matin j’arrive chez mon podologue, affectée de ces derniers mois, de ces dernières semaines de bataille pour faire re-démarrer mon activité. Je suis découragée, quand ces mots simples, prononcés avec bienveillance, résonnent à mes oreilles. Je m'en saisis immédiatement, leur sens positif et encourageant me parle. 

Un professeur vient de se faire décapiter dans l’exercice de son métier pour avoir voulu transmettre la liberté d’expression. Je suis accablée, pas de mon sort, mais de ce monde qui rend fou. Je me sens si proche de cet homme, si admirative de son courage à porter haut et fort ses valeurs.

 

D’un seul coup, je me sens si privilégiée. J’aime à le croire. Le choc est tel que cette phrase aux consonances si souvent moralisatrices prend pour une fois une tournure thérapeutique. Ma vie est une vie avec des hauts et des bas, comme tout un chacun. C’est une vie où le danger et l’insécurité ne régissent pas mes paroles ni mes actes. Une vie où la liberté n’est pas menacée. Je n’oublie pas que je peux aller et venir selon mon désir, je n’oublie pas que j’ai un toit et de quoi me nourrir. Je ne suis pas en train de m’acheter une bonne conscience à pas cher. Je suis juste saisie d’effroi et d’empathie par la situation. 

Samedi après-midi je marche longtemps et puis je croise une amie qui me demande comment je vais. La question me ramène à moi, à mes émotions. Je m’observe, suis-je de nouveau, et si tôt, dans l’auto-complainte ? L'effet apaisant de ce « Il y a toujours plus grave » s'est-il déjà évanoui ?


Dimanche matin j’ai la réponse. Cette phrase m’habite, elle me donne de la force. De la force pour vivre mes déboires, mes irritations, mes agacements, mes déceptions avec la confiance que je saurais les traverser, les transformer. Je redeviens douce et bienveillante à mon encontre. J’ai le droit de flancher, de souffrir sans être auto-centrée, ni égoïste. 

Je ne suis pas insensible au monde qui m’entoure. Je suis, nous sommes reliés. Ce lien est le propre de notre condition humaine. La vie des uns, la vie des autres nous questionne, nous bouscule, nous bonifie. Au fond, ce « il y a toujours plus grave » nous permet de déployer toutes les facettes de notre humanité. 


19 octobre 2020 – Olivia Lancelin – écrit en collaboration avec Mireille Briens

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