« Commence par changer en toi ce que tu veux changer autour de toi »
Une chose est de prôner l’adaptation lorsque toutes les conditions de sécurité sont là, une autre est de la vivre dans un contexte brusquement changeant et dissonant avec nos trajectoires. La crise provoquée par la pandémie du COVID 19 a obligé chacun à s’adapter. Le monde a basculé vers l’imprévisible à grande vitesse. Nous avons dû nous adapter. Nous avons su le faire à l’instant T. Qu’en est-il de nos capacités sur le long terme ?
L’injonction du changement préexistait déjà largement à ce choc sanitaire et économique. Je dis l’injonction, lorsque l’adaptation devient un prétexte de différentiation et d’appréciation. Les collaborateurs, les managers sont évalués selon des standards d’adaptation plus ou moins inconstants. Je me souviens du coaching d’une directrice de magasin, dans une grande enseigne, invitée à adapter sa communication. Son style était jugé trop personnel et ambitieux, dans une entreprise prônant l’esprit d’équipe et la retenue. Après plusieurs mois de travail et d’ajustement, elle s’est vue refusée une promotion comme directrice régionale pour manque de leadership !
Le métier de coach consiste à accompagner les collaborateurs et les collaboratrices dans le changement, à lui donner un sens. Quel sens a un changement lorsqu’il est contraint, subi ? Edgar Morin explique que ce qui n’a pas de sens peut avoir plusieurs significations. Quels sont les signes qu’une crise nous envoie ? Quelles valeurs sont remises en cause ? La conception virale d’un « monde d’avant » versus un « monde d’après » s’est vite heurtée au principe de réalité. Pour que le monde change, il faudrait que le système général de nos organisations humaines, sociales et économiques bouge à l’unisson. Doit-on pour cela verser dans le pessimisme et le fatalisme ? Je ne le crois pas. Gandhi disait « Commence par changer en toi ce que tu veux changer autour de toi ». La capacité de se transformer est une condition nécessaire à l’évolution et l’adaptabilité des espèces. L’Homme n’y échappe pas. Il a pourtant érigé des mécanismes de défense psychologique coriaces pour conserver ce qui est acquis, et le protéger de ce qui est imprévisible ou dangereux.
L’homme est un animal peureux. Il s’accroche à ce qu’il connait du monde extérieur, à sa place comme à son identité dans son environnement. Il s’accroche à son statut, quel qu’il soit. Il cherche la protection et la reconnaissance. S’adapter, c’est accepter de n’être pas un être immuable, une parodie de soi-même. S’adapter c’est découvrir notre potentiel et nos potentialités. Le manque de confiance en soi, les images dégradées ou limitées de nous-mêmes nous plaquent au sol. Elles nous enchainent à nos habitudes, à nos schémas répétitifs. Le recommencement rassure. La nouveauté inquiète. Dépasser ses peurs, dépasser son plafond de verre, alors que le sol se dérobe sous nos pieds consiste à oser une autre version de soi-même. Une version augmentée.
Nous n’avons pas tous les mêmes dispositions face au changement. Nous devons apprendre à prendre des risques, à modifier nos conditions de vie, à accepter l’insécurité, à contrarier notre entourage, à accepter l’échec. Au fond, s’adapter c’est aller de plus en plus vers ce qui est important pour nous. « Ni trop ni pas assez » comme dans la philosophie platonicienne. De ce fait, le défi qui s’impose à nous est de rester cohérent avec nos valeurs, notre singularité, nos désirs, sans être dans la rigidité et l’entêtement, aveugle et sourd à ce qui nous entoure.
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